Alors je suis partie. En Inde. A Delhi. Vous savez, ce genre de voyage dont on rêve quand on veut... Découvrir le monde. Tout bêtement. Je m'étais imaginée l'Inde. Ses couleurs, ses odeurs, ses épices, ses sourires. La pauvreté je savais, ne nous leurrons pas, mais elle ne faisait pas partie de mon paysage. Ou en arrière plan. Très très loin.
Et en fait non. C'est la première chose qui vous saute au visage et qui vous retourne le coeur et le corps. Les odeurs aussi. Ces odeurs... de... Ne cherchez pas, ce ne sont pas les épices. Non. Ce sont les gens quand vous êtes au milieu de la foule. Cette odeur corporelle si forte et si identifiable. A cause des épices peut être? Sans doute. Très probablement même. Et les odeurs du dehors. Ces relents de macération, d'égouts, de crasse, et des déchets qui sont empilés sur le bord des routes. Et les odeurs des rivières. De ce qu'on nous a dit. Parce que les rivières, on ne les a pas vues. C'est même plutôt le contraire. Tout ce sable, toute cette poussière. Secs. Alors pour respirer on se met parfois du tissu sur le visage.
Puis vient la pauvreté. Non, c'est vrai. Elle est là en même temps que les odeurs. La vue de la pauvreté et l'odorat donc. Ces gens qui vivent sous des tentes le long des routes. Qui viennent vous voir à la fenêtre du taxi. Qui restent. Qui attendent. Mais quoi? Quel geste peut les sortir de leur misère? Cette déculpabilisation de ne rien faire parce que "si on donne à un (des sous, à manger, des cahiers, des stylos, au choix) dix arrivent par la suite". Oui mais ne rien faire, c'est dur aussi. Alors on détourne le visage, la musique aux oreilles, un livre sous les yeux. Et le feu passe au vert. Mais il y a d'autres feux. Et ces vaches squelettiques qui se baladent partout. Qui se nourrissent sur les tas de détritus. Et ces hommes, ces femmes, ces enfants, qui vivent au milieu des immondices.
Arriver à l'hôtel finalement. Et là, décalage complet. Le luxe et la grandeur.
Choyées par les employés, aux petits oignons. Choyées par les fournisseurs. Le thé, les gâteaux, le lunch. Souvent des petits sandwichs au fromage et aux tomates, pour ne pas tomber malades. Des essayages. Longs, très longs. Un nombre incalculable de vêtements à essayer. Trop serrés, trop grands, "perfect, ok GAP" ce genre de choses. Des journées passées chez eux. Ceux qui se déplacent à l'hôtel. Ceux qui viennent exprès de Bombay. Et après ça... Se sentir épuisée. Dormir. Le décalage horaire, la fatigue, n'ont cependant pas eu raison de moi.
Puisque j'ai pu... Voir des éléphants.
Des dromadaires.
Aller à un mendhi, qui est, si j'ai bien compris, le nom de la soirée dédiée à la mariée, avec seulement sa famille à elle, une semaine avant le mariage, et aussi le nom du henné qu'ils mettent sur les mains. Avoir droit aussi à son mendhi.
Etre invitée et danser. Se sentir comme dans un Bollywood. Essayer de mettre en pratique la leçon de "caresser un chien en dévissant une ampoule" mais être un peu mal à l'aise. Goûter un kulfi, une glace indienne, très bonne.
Et revoir Marie. Souvent. Aller à une soirée sur un toit, rencontrer des gens. Parler en anglais et en français. Rire et danser. Prendre le rickshaw, ce minuscule taxi qui fait penser au mélange d'un pousse-pousse et d'une mobylette. Aller se balader dans des marchés. Se dire que c'est vraiment très différent de chez nous.
Penser à la devinette de Pauline. Soulever beaucoup de poussière.
Profiter des derniers instants avec Marie avant de la revoir en janvier, continuer encore et toujours les essayages, jusqu'au bout.
Et finir par rentrer, lessivée, de cette semaine trop courte et trop longue, de ce pays plein de paradoxes que je n'ai eu le temps que d'entre-apercevoir, mais où j'ai envie de retourner, pour donner corps à mes envies de couleur. Pour les odeurs on repassera. Et la prochaine fois je ramènerai des beaux tissus, parce que, même si les saris sont des choses quasiment impossibles à porter ici, ce sont parmi les plus beaux vêtements du monde.
Et revenir, la tête un peu douloureuse mais claire. Je repartirai.
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