mercredi 29 avril 2009

Ces histoires qu'on nous raconte #4

Au menu ce mercredi (avec plein de retard depuis la dernière mais vous ne m'en tiendrez pas rigueur):
Les saisons de la nuit, de Colum McCann

Je reste un peu dans l'esprit de la fiche de lecture précédente (#3) et sa misère humaine. Je vous avais déjà dit que j'aimais beaucoup Colum McCann, vu que Danseur fait partie des livres que j'emmènerai avec moi de l'autre côté de l'Atlantique.

Ici l'atmosphère est tout à fait différente. De Danseur je veux dire. Les milieux que l'on côtoie sont beaucoup plus pauvres, et McCann nous fait voir cette face cachée de New-York. L'histoire se situe dans deux époques différentes, une au début du XXeme siècle, elle voit naître le métro new-yorkais et on suit tous ces travailleurs des sous-sols qui triment sans relâche dans des conditions épouvantables pour un salaire de misère. Il y a un peu de Germinal là dedans.

En parallèle se construit une autre histoire, celle de Treefrog, un sans-abri qui vit dans les couloirs du métro new-yorkais, à la fin du même siècle. Le livre avance doucement dans ces deux directions, et on les suit sans savoir comment et pourquoi elles vont se croiser. On se pose la question sans pour autant être pressé que ça arrive.

McCann est ici, et comme toujours, un magnifique conteur, il plante le décor comme s'il l'avait toujours connu, vécu à l'intérieur même. Il côtoie ces peuples de l'ombre, et écrit sur eux sans complaisance, mais sans dureté non plus.

Ce livre nous emmène loin, alors qu'il ne va que quelques mètres sous terre...

Hors saison

Certes les beaux jours sont là (sauf aujourd'hui et hier et avant hier ça va de soi), mais en ce moment, une chose m'obsède : le Canada. Et un chose en plus de cela, le Canada, en novembre.

Mon dieu mondieupetitjésusbouddhaallah (ça vient de Un bonheur insoupçonnable, lisez le) comment vais-je survivre dans ce froid ? Mais oui, comment va-t-elle faire ? Et comment vais-je rester jolie dans ce froid ? Vous avez déjà vu des chaussures de neige vous ? Eh bien c'est moche. Oui je sais, la santé de mes pieds, et du reste de mon corps, parce que, tout le monde le sait, la mort s'attrape par les pieds. On vous l'a déjà dit non, le fameux "Tu vas attraper la mort" quand vous marchiez pieds nus, petits ?

Donc, moi et le Canada on a un problème. J'aime les chaussures, et lui veut tuer mes pieds à petit feu si je ne me chausse pas chaudement, ou alors, il veut tuer mon amour des chaussures si je le fais. Du coup, ma lubie du moment, enfin, de ce matin où j'ai eu cette révélation, c'est de regarder si je peux trouver des bottes de neige un peu jolies. Et en fait oui !
Là ce sont des Aigle, qui ont la bonne idée d'êtres bicolores, avec ce petit laçage dans le dos, j'approuve totalement. Et il y a cette paire avec le laçage devant :

Des Columbia cette fois, moins chères que les précédentes, plus fines, et un peu moins jolies aussi je trouve. Bref, pour l'instant, ce n'est que du repérage, et il y a fort à parier que de toute façon je les achèterai au Canada, mais bon, j'aime l'idée que je n'aurai pas des trop moches pieds une fois là-bas.

Par contre il me reste la délicate question du manteau...

dimanche 26 avril 2009

Calme et volupté

Ces périodes de travail intense se caractérisent toujours de la même façon chez moi... Problèmes d'organisation, stress de livraison, petits (ou pas) délais. Dans l'absolu je voudrai éviter tout cela. Mais. Mais. Ce n'est pas possible. Je n'y arrive pas. J'ai besoin de ce stress pour travailler, dans les derniers jours en tout cas.

Ce qui finit toujours par se solder par des nuits minuscules, pas blanches, ça je n'en suis pas capable, et, si tout va bien, la fameuse, et immense, satisfaction du travail fini. Et cette fois-ci une grande fierté. J'ai fait un travail magnifique. J'espère que la mariée ne se sera pas faite mouiller par les averses normandes aujourd'hui.

Du coup, après ces périodes-là, un grand besoin de décompression se fait sentir. Et là, oh joie, oh bonheur, je me rends compte que je peux retrouver ma vie ! Et ne rien faire ! Je retrouve mes amis, je rigole, je papote, je mange (pas mal, il faudrait que j'arrête), je grassemate, je sieste, je cinématographe, je lis, je mangalis, je bédélis aussi, je joue. D'ailleurs, ça faisait longtemps que je voulais m'acheter Okami, sur la wii, après avoir lu un billet dessus il y a un moment chez mon gourou des jeux.


Du coup je joue plus qu'un peu. C'est tellement beau et tellement prenant. Enfin l'essentiel dans tout ça, c'est que je ne me culpabilise pas en me disant "Tu as une journée chargée demain, vas te coucher." Et je vais me répéter mais ce jeu est très beau, on y évolue dans de vrais tableaux, les couleurs au coucher du soleil sont sublimes, et quand la nature reprend le dessus sur le mal, c'est magnifique. Et il y a de quoi bien s'occuper je pense.

Et aussi, pour me faire chouchouter, je suis allée me faire faire un soin du visage chez Shyraz. Mesdemoiselles qui me lisez, si vous avez envie qu'on prenne soin de vous et que vous n'êtes guère riches, un peu comme moi donc, dans cet institut ils font des happy hours ! Oui oui comme pour la bière dans certains bars ! Donc de 17 à 20h, du mardi au jeudi, on paie moitié prix sur un soin du visage ou un massage. Rien que le visage, ça m'a fait un bien fou, avec des massages, un gommage, un truc de pierres chaudes que je ne connaissais pas mais qui m'a plu... C'était juste ce qu'il me fallait. Par contre, il faut être lucide, quand on sort de là, on ne pense qu'à dormir. Chose que je n'ai pas faite, mais j'ai été si inactive que c'est tout comme.

Bref. Voilà. Glandouille, repos, rien. C'est bien non ?

Et je n'oublie pas la fiche de lecture du vendredi qui est déjà en retard d'un jour pour cette semaine et de 9 jours pour la semaine dernière, mais... Ces derniers temps. Ça va arriver. Vite.

mercredi 15 avril 2009

Quoi de mieux qu'un peu de poésie...

... dans ce monde de brutes ?

Il suffit parfois de peu. Une belle image. Un beau mot. Une belle musique. Et notre coeur se serre. La boule dans la gorge parce que cette musique nous renvoie des images inattendues, non définies.

C'est en écoutant la radio "Studio Ghibli" de Din que j'ai ressenti tout ça.

Le pouvoir des films de Miyazaki est assez incroyable. Sans doute sur beaucoup d'entre nous. De paysages, de mers, d'animaux, et d'humains, il arrive à faire des mondes proches mais lointains. Qui ne sont pas tout à fait dans notre époque. Légèrement avant. Ce temps où la radio était notre amie et où internet ne régissait pas nos vies.

Ce temps où la nature l'emportait. Même si justement le message est toujours là : l'homme qui détruit la nature, et certaines âmes fortes sont là pour nous remettre dans le droit chemin.

Ponyo sur la falaise est de ceux-là. Il n'y a peut-être que Kiki la petite sorcière qui ne porte ce message aussi démonstrativement parmi tous ses films (ceux que j'ai vu du moins).


Mais ça y est. J'ai vu le dernier Miyazaki. Une excuse pour échapper à mon travail et me resociabiliser. Et j'ai aimé. Peut-être moins que certains autres. Peut-être qu'il ne fera pas partie de mon "Top 3 Ghibli"... Et alors ? Qu'est-ce que ça change au fait de passer un bon moment devant un bon (voire très) bon film ? Les questionnements sont là, les choix, même faits par des enfants de 5 ans sont sensés et sensibles.

Il n'y a pas de grand méchant. "Juste" une catastrophe naturelle née de l'amour d'une petite fille pour un petit garçon, et une mer qui sait être terrifiante. La fameuse histoire de la Petite Sirène revisitée. Des musiques magiques, comme d'habitude en fait, et une dernière chanson entêtante mais rigolote...

free music


Un bon moment, un beau film... Ne vous privez pas !

lundi 13 avril 2009

Addict

Ça pourrait être les chaussures, les sacs... Bon ok ça l'est un peu. (beaucoup).

Mais c'est autre chose. Quelque chose que je n'attendais pas. Quelque chose loin de moi mais qui me fascine. Les tatouages !

Bon, en fait pas tout à fait. Les décalcomanies. C'est beaucoup moins impressionnant du coup. Mais j'adore en mettre dans mon décolleté, c'est comme un bijou de peau. Et en plus ça joue vraiment bien avec mon collier...

Et le gros avantage, c'est que, comme le vernis, on frotte un peu et ça s'en va... On peut le changer régulièrement. Et ça a un côté un peu "bad gal" qui n'est pas pour me déplaire...

free music

vendredi 10 avril 2009

Ces histoires qu'on nous raconte #3

Pour cette semaine :
Les âmes perdues, de Michael Collins

Si vous aimez ces romans perdus dans le fin fond des Etats-Unis, ces histoires un peu sordides, sans que pour autant l'écriture le soit, ces personnages perdus eux-aussi, ces fameuses "âmes perdues", ce livre est fait pour vous. Sinon, passez votre chemin.

J'ai lu ce livre il y a quelques années, mais j'en garde un excellent souvenir. L'histoire n'est peut-être pas très gaie : une petite fille est retrouvée morte le soir de Halloween après avoir été renversée par une voiture, et un inspecteur qui traverse une période difficile vient enquêter sur sa mort. Mais l'écriture est exactement comme je l'aime : précise, incisive, sans fioriture. Une de celles qui rend vraiment compte de ces atmosphères un peu glauques sans pour autant que ça repousse le lecteur, non, on est dedans.

Cependant, il faut se rendre compte que ce livre, aussi bien écrit soit-il, il ne parle pas que de cette enquête. Il s'attache aussi à décrire la misère au quotidien : la misère affective de ces gens qui ont été abandonnés par ceux qu'ils aiment, la misère de ces petites villes du Middle West qui n'ont que leur équipe de football pour se raccrocher à l'espoir de se sortir de leur immobilisme.

Bref, après s'être (re)plongé dans l'enfance, vous pouvez maintenant vous plonger dans les affres de la misère au quotidien, mais par le biais d'une belle écriture et d'un certain dépaysement, car les petites villes paumées de là-bas ne sont pas celles d'ici.

jeudi 9 avril 2009

Deux ans

Le blog de Mashenka fête son anniversaire. Elle a donc écrit un billet-bilan de bloguiversaire. Et en commentant chez elle, je me suis demandée depuis combien de temps j'avais ce blog. Eh bien ça fait deux ans.

Deux ans.

Étrangement, ces deux ans, bien que remplis, ne me le semblent pas tant que ça. Ça doit être à cause du travail. En avril 2007, le 2 donc, quand j'ai commencé ce blog (je ne suis presque pas en retard), j'avais mon diplôme de costumière en poche depuis quelques mois. J'avais cherché du travail en tant que costumière, je cherchais du travail, mais je ne trouvais pas. Manque d'expérience, de persévérance peut-être. Peur certainement.

Du coup je me suis retrouvée... Allons-y pour l'énumération :
- habilleuse chez Disney... drôle d'expérience, debout toute la journée, boulot ingrat, et pourtant, il faut l'admettre, je me suis amusée, ben oui, j'étais à Disneyland quoi ! (mais en fait ça date de février avant mon blog)
- serveuse pour mon père, en extra, boulot que je continue à faire parfois, et la période pleine reprend, à moi la jupe noire et le chemisier blanc !
- hôtesse d'accueil au Pavillon Elysée Lenôtre, un endroit chic et sympa mais pas sympa en fait. Mais sympa quand même. Enfin des gentils collègues, une méchante chef qui a été virée parce qu'elle était méchante justement, et des gentils cuistots à qui je servais de cobaye quand il fallait goûter la tarte au chocolat infusé à la menthe, ou encore les macarons au foie gras. Mais bon, j'étais hôtesse, et, il ne faut pas se leurrer, y'a rien de plus emmerdant. Ah si, être extra pour faire juste le vestiaire toute une soirée.
- serveuse en extra chez Lenôtre aussi, mieux payé, et plus actif qu'être hôtesse. Mais bon, un temps, apporter des assiettes aux gens et essuyer des verres, ça va.
- mannequin cabine chez René Derhy. Alors là, un roman. Mais bon, on va se contenter de retenir que j'ai des épaules de catcheuse et le haut des bras grassouillets. Et que je suis partie en Inde. Ce qui est l'essentiel en fait.

Et puis un jour, quand je n'y croyais plus et que ma maman commençait à me demander... "Et si jamais ça ne marche pas le costume ?" Ce qui ne manquait pas de me faire pleurer à chaque fois. Surtout que je ne voyais pas ce que je pouvais faire d'autre.

Un signe. La Comédie Française m'a appellée. C'était il y a un peu plus d'un an. J'ai travaillé chez les tailleurs. Vous connaissez l'histoire. Et puis dans un autre atelier, où la boss me prenait un peu (beaucoup) pour sa tête de turc. Puis un autre, où j'ai découvert le monde des strass et des paillettes. Puis récemment, un autre, à Strasbourg, à l'opéra. Et tout ça c'est chouette. Mais je réalise aujourd'hui que je ne pourrai pas travailler toute ma vie dans les ateliers, parce que je ne veux pas devenir comme ça. Comme ces gens qui y sont depuis toutes ces années et qui sont aigris sur tout. Que faire après alors ? Je ne sais pas, j'aime trop le costume, mais je crois qu'un jour je devrai me donner les moyens d'être créatrice de costume, déco comme on dit dans le milieu.

Voilà côté travail. Sinon, en deux ans, je suis allée très souvent chez le coiffeur. Parfois juste pour raffraîchir la coupe. Parfois... Pour changer de tête. Voilà comment j'ai doucement éclairci. Et puis un jour j'ai radicalement éclairci. Je suis passée du côté obscure du platine. Ce qui est drôle, c'est que je ne me sens ni bimbo ni Marilyn. Juste moi.

Cette photo prise au Maroc, qui rend parfaitement hommage à mes cheveux assortis à mon épiderme va donc me permettre de passer au point suivant... Les voyages. Eh bien je suis partie en deux ans. En Allemagne, en Chine, en Inde, au Maroc. Ces trois destinations en un an complet en fait. Et j'ai découvert des choses magnifiques, des cultures loin de moi (pour les 3 derniers pays) et loin entre elles aussi. A chaque fois un choc. Mais le plus traumatisant aura été l'Inde. Tous les gens qui sont allés en Inde vous le diront : la misère vous fout une claque. Mais, aussi préparés psychologiquement que vous soyez, vous ne pouvez pas vous en rendre compte tant que vous n'y êtes pas.

Un petit bout du temple du Ciel, à Pékin, voyage qui fut vraiment magnifique... Et qui donne envie de retourner en Chine, malgré la politique chinoise, les Chinois bizarres, bref :)

Hum. Et ces deux ans. Des garçons ? Oui. Non. Des auxquels j'ai échappé, des qui m'ont échappé. La vie quoi.

Et moi qui ne me pose pas. Intermittente ou serveuse en extra même combat. Pas de boulot fixe. Pour couronner le tout je pars à la fin de l'année. Mais ça c'est la vraie bonne nouvelle. Un projet solide, ancré, ce voyage au Canada. Une envie profonde, une croix de plus sur la liste des choses que je veux absolument faire dans la vie (la case vivre à Strasbourg ayant été cochée il y a quelques années, et celle, être comédienne se cochant en pointillés en ce moment). Un beau voyage en préparatif mais qui me fait peur. Parce que, une fois que je serai là bas, quelle sera ma vie ? Une question trop profonde pour ce soir...

Mais ce blog est un petit aperçu de moi, et, comme pour ceux de beaucoup d'entre vous, il dévoile ce que je veux bien dévoiler. Mais en tout cas il m'a permis de faire de belles rencontres, surtout grâce à un blog catalyseur de rencontres (une fille catalyseuse de rencontres...). D'ailleurs, à la base, c'est elle qui m'a donné envie de faire mon blog. Celui-là, pas celui des créations que j'ai complètement abandonné et que j'aimerais reprendre en main.

Non, celui-ci. Ce blog de bla-bla qui devait parler de chaussures... Ce qui me fait d'ailleurs penser que vous n'avez jamais vu mes bottes argentées par ici... Il serait temps que je m'occupe des choses sérieuses. Mais je vais quand même en profiter pour vous glisser une photo d'un truc que j'ai adoré faire, c'était pour la soirée de départ d'une demoiselle qui est au Japon maintenant...

Tadam :
J'espère qu'on la voit encore un peu... J'avais une tête de mort rose sur la poitrine !

Bon ben c'est pas tout ça mais il faudrait que je la finisse cette note.

Deux ans. J'ai changé mais je suis restée la même. (ahah on dirait je sais plus quelle chanson). Et j'ai accompli des choses, à mon sens, mais j'ai encore sacrément du boulot.

Et ce blog a changé, mais pour le coup, il changera encore lui...

mardi 7 avril 2009

Top secret

Attention. Je vais vous écrire ici l'un des plus grands secrets des costumières.

Qui aurait finalement besoin d'être connu du plus grand nombre, parce que, ça peut arriver à tout le monde.

Le topo : vous vous piquez, vous saignez. Vous faites une tâche sur la magnifique robe de mariée que vous êtes en train de faire. Là, c'est le drame.

Non ! Pas de panique ! Le grand secret des costumières arrive là : "Ta salive nettoie ton sang". Vous faites donc une petite boulette de fil, blanc de préférence, vous l'humectez de salive, et vous tapotez la tâche. Et le miracle, c'est que ça marche ! Sauf si bien sûr vous venez de vous taillader à coups de ciseaux et d'épingles, là le truc le plus conseillé, c'est d'aller chez le médecin...

En espérant vous avoir été utile...

lundi 6 avril 2009

Monsieur Desproges

Il y a des choses comme ça, le matin, ça te fait rire et tu as envie de les partager. Pour moi ce matin c'est ça :

La Belle histoire du crapaud-boudin

À trente ans, Ophélie Labourette supplantait dans la hideur et la disgrâce les culs de cynocéphales les plus tourmentés. Elle était intensément laide de visage et de corps, et le plus naturellement du monde, c'est-à-dire sans que jamais le moindre camion ne l'eût emboutie, ni qu'un seul virus à séquelles déformantes n'y creusât jamais ses ravages. Elle était vilaine par la grâce de Dieu, marquée à vie au saut de l'utérus.

Jaillissant de sa tête en poire cloutée de deux globules aux paupières à peine ouvrables, elle imposait un pif grumeleux, patatoïde et rouge vomi, qu'un duvet noir d'adolescent ingrat séparait d'une fente imprécise qui pouvait faire illusion et passer pour une bouche aux moments de clapoter.
Autour de ce masque immettable, elle entretenait toute une chignonnerie de poils à balai de crin qui se hérissaient sur les tempes au temps chaud pour cacher en vain les pavillons de détresse de ses oreilles boursouflées dont seule la couleur, identique à celle du nez, apportait un semblant d'harmonie, au demeurant regrettable, à cette informité.

Le corps était, si l'on peut dire, à l'avenant. Court et trapu, sottement cylindrique, sans hanches ni taille, ni seins, ni fesses. Une histoire ratée, sans aucun rebondissement. De ce tronc morne s'étiraient quatre branches maigrelettes, précocement parcheminées et flasques, endeuillées par endroits d'un pelage incertain. Les membres inférieurs, plus particulièrement, insultaient le regard. N'était leur position dans l'espace (l'une au-dessus de l'autre) rien ne permettait de discerner la jambe de la cuisse. L'une et l'autre, affûtées dans le même moule à bâtons, s'articulaient au milieu par la protubérance insolite d'un galet rotulien trop saillant. Un trait, un point, un trait, c'étaient des jambes de morse. Moins affriolantes que bien des prothèses. Avec, pour seul point commun avec les jambes des femmes, une certaine aptitude à la marche.


La Providence, dans un de ces élans sournois de sa méchanceté gratuite qui l'incite à faire éclore les plus belles roses sur les plus écœurants fumiers, avait cru bon d'égarer, au milieu de toute cette bassesse, une perle rare d'une éclatante beauté. Ophélie Labourette avait une voix magnifique. Déjà, quand elle parlait, il s'en évadait des sons surprenants, veloutés dans l'aigu, claquant dans les graves, une voix qui portait loin sans qu'elle eût jamais à la pousser et qui, même assourdie pour les confidences, écrasait superbement alentour les plus égosillés caquetages, réduisant les plus amples tonitruances viriles en braiments aphones. Quand elle chantait, le rossignol, confus, s'éteignait. Son chant brisait les autres chants. Près de lui, les chœurs de basses devenaient aboiements polyphoniques, et les voix cristallines, filets de vinaigre.


Si Ophélie Labourette était née très sotte, ou aveugle, un jury particulièrement doué de mansuétude aurait pu accorder à Dieu des circonstances atténuantes que Lui-même, dans l'arrogant égocentrisme de son infinie sagesse, refusa naguère au docteur Frankenstein. Mais Dieu est un salaud. Fignoleur dans le sadisme comme peu de bourreaux des camps, il avait imaginé de doter sa créature d'une âme d'artiste sensible et raffinée que soutenait un esprit vif et brillant. Enfin, content de lui comme un grand chef pâtissier au moment de poser l'ultime cerise rouge au sommet de la pièce montée, Dieu avait mis au cœur d'Ophélie Labourette une petite perle, brillante et noire, indestructible, irradiant sans fin, de ce corps grotesque, la douleur crissante et pointue d'une inextinguible jalousie.


Bref, et pour tout dire, cette immondice sur pattes comme peu de poètes sensible à la beauté des choses et à l'harmonie des formes, se mourait de haine pour tout ce qu'elle aimait, et vivait dans l'espoir exécrable du pourrissement des anges.
Un jour de rouge automne, alors qu'elle cachait ses détresses au fond d'une forêt noire, Ophélie Labourette rencontra dans un sentier caillouteux un gros crapaud dégueulasse qui coassait par là.

- Vous semblez bien triste, mademoiselle, lui dit-il.
- C'est que je suis épouvantable, monsieur le crapaud. Je donnerais tout au monde pour quitter ce corps contrefait et cette tête repoussante et me changer de peau.
- Je peux quelque chose pour vous, dit encore le crapaud. Figurez-vous que je suis une fée ravissante victime du mauvais sort sur moi jeté par la fée Ladurasse. Seul un baiser sur mon dos pustuleux pourra me rendre mon apparence première. Si vous me donnez ce baiser, mademoiselle, j'exaucerai votre vœu.


Aguerrie à tous les écœurements - elle se voyait dans la glace tous les jours -, Ophélie Labourette n'hésita pas un instant. Elle porta le crapaud à sa bouche et lui baisa le dos.
Aussitôt, le batracien se fit fée, superbe, avec des traits diaphanes, des grâces de ballerine et une baguette étoilée dont elle toucha l'épaule d'Ophélie Labourette en disant:
- Abracadabra. J'ordonne que cette femme quitte ce corps contrefait et cette tête repoussante et qu'elle change de peau.

C'est ainsi qu'Ophélie Labourette se retrouva d'un coup métamorphosée en crapaud.

free music



Pierre Desproges, Chroniques de la haine ordinaire vol. 2

vendredi 3 avril 2009

Ces histoires qu'on nous raconte #2

Cette semaine :

La triste fin du petit enfant huître et autres histoires, de Tim Burton


Voici un livre que j'ai lu, relu et que je relirai encore. Un nombre incalculable de fois cela va sans dire. Déjà parce qu'il est court, ensuite parce qu'il a des images (ce que j'aime, rappelez vous #1) et qu'il est magique, tout simplement.

Un extrait :
The Girl with Many Eyes

One day in the park
I had quite a surprise.
I met a girl
who had many eyes.

She was really quite pretty
(and also quite shocking!)
and I noticed she had a mouth,
so we ended up talking.

We talked about flowers,
and her poetry classes,
and the problems she'd have
if she ever wore glasses.

It's great to now a girl
who has so many eyes,
but you really get wet
when she breaks down and cries.

Des personnages étranges et poétiques. Décalés. Complètement hors normes même. Des dessins dont les traits accompagnent parfaitement les personnages. Quelque chose de doux et délicat, mais en même temps qui assume ses étrangetés. Du Burton pur. On aime ou pas.

Je suis moi-même très sensible à cet univers encore enfantin, où l'on s'attache aux personnages et à leurs histoires. Ce petit livre d'une centaine de pages se lit et se relit encore et encore. Un peu comme on relirait son Petit Prince une fois tous les 2 ans, pour voir ce que nous apporte la nouvelle lecture, et se plonger encore, avec délectation, dans les rêveries enfantines.

Dans le même registre de nos madeleines, on retrouve Roald Dahl, avec ses Sacrées Sorcières, son Bon Gros Géant, Charlie et la Chocolaterie... Et des illustrations de Quentin Blake très chouettes !

Bouge tes fesses

Et aujourd'hui, pour la pêche...



Comme ça je peux me motiver encore pour bosser !

Parce que c'est là tout de suite maintenant

Parce que j'ai un coup de stress, parce que ça va être l'heure de dormir, parce que je veux me changer les idées, parce que j'ai acheté des oranges tout à l'heure, que j'en ai mangé une au goûter et que j'ai les mains qui sentent bon, parce que finalement j'ai pas besoin de raison. 

Cette chanson qu'un amoureux du collège m'avait faite découvrir :


Bonne nuit !

Ah et désolée pour la pseudo vidéo de YouTube, mais mettre juste une chanson de Deezer j'y arrive plus... Alors si quelqu'un connaît le pourquoi du comment...

mercredi 1 avril 2009

Un peu, juste un peu

Une angoisse sourde, le ventre qui se sert, les noeuds.

Quelques pas, quelques pensées. On range ça derrière. Pas le temps pour ça ce soir.