vendredi 23 mai 2008

Quand on va voir "Juste la fin du monde"

Juste la fin du monde, ou la pièce française que je préfère. Ma pièce préférée tout court même.

Un texte de Lagarce. Un homme rentre dans sa famille, pour leur annoncer qu'il va mourir. Sur cette base, rien de bien réjouissant. Mais une écriture rythmée, mélodique. Répétitive. Construite comme une chanson.

Et parce que ce texte reflète tout ce que l'on peut penser de la famille, des craintes existentielles, de la mort plus ou moins proche. Tout cela nous fait écho.

Pour cela, les acteurs n'ont qu'à se laisser porter par le texte. Et ils le font bien. Bien sûr, on cherche toujours qui a le plus tiré son épingle du jeu. Et là, un équilibre. Parce que le texte est magnifique.

Je pensais réussir à en dire plus. Mais je n'ai que les mots de Lagarce qui raisonnent dans mes pensées.


"– Plus tard‚ l’année d’après
– j’allais mourir à mon tour –
j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai‚
l’année d’après‚
de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire‚ à tricher‚ à ne plus savoir‚
de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini‚
l’année d’après‚
comme on ose bouger parfois‚
à peine‚
devant un danger extrême‚ imperceptiblement‚ sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt‚
l’année d’après‚
malgré tout‚
la peur‚
prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre‚
malgré tout‚
l’année d’après‚
je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire le voyage‚ pour annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision
– ce que je crois –
lentement‚ calmement‚ d’une manière posée
– et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un homme posé ?‚
pour annoncer‚
dire‚
seulement dire‚
ma mort prochaine et irrémédiable‚
l’annoncer moi-même‚ en être l’unique messager‚
et paraître
– peut-être ce que j’ai toujours voulu‚ voulu et décidé‚ en toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me souvenir –
et paraître pouvoir là encore décider‚
me donner et donner aux autres‚ et à eux‚ tout précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore que je ne connais pas (trop tard et tant pis)‚
me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de moi-même et d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître."

Juste la fin du monde
, J-L Lagarce

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